Dunedin Consort - Handel: Ode for St Cecilia's Day - ResMusica
Avec son Dunedin Consort et le chœur de la radio polonaise, John Butt a enregistré une brillante version de l’Ode à sainte Cécile de Haendel lors du concert de clôture du fameux festival de musique ancienne et baroque The Misteria Paschalis Festival à Cracovie en 2018.
Si l’ouvrage a toujours été populaire depuis sa création à Londres en 1739, on n’en compte qu’une petite demi-douzaine d’enregistrements : Nikolaus Harnoncourt en 1978 (Teldec), Trevor Pinnock en 1985 (Archiv), Wolfgang Helbig en 1999 (Naxos), Robert King (Hyperion), Marc Minkowski en 2009 (Naïve), sans oublier la version historique d’Anthony Bernard à la fin des années 1950 avec The London Chamber Orchestra & Singers, Alexander Young et l’inoubliable Teresa Stich-Randall. Pour Haendel qui a peu écrit directement pour l’Église, l’ode est un moyen terme entre l’opéra et l’oratorio, lui permettant d’aborder de façon allégorique ou dramatique des sujets bibliques ou sacrés, dont les représentations étaient organisées dans des théâtres. Or, à cette période, Haendel maîtrisait parfaitement son écriture et se trouvait au sommet de son art.
Dans l’Angleterre de la fin du XVIIe siècle, on avait pris l’habitude de célébrer Sainte Cécile, la patronne des musiciens, chaque 22 novembre, et c’est dans ce cadre que le poète John Dryden composa deux odes dont A Song for St. Cecilia Day. Pour Alexander’s Feast en 1736, Haendel divisa l’œuvre de Dryden en récitatifs, airs et chœurs et ajouta un bref épilogue. Il y glorifie le pouvoir de la musique en l’honneur de Sainte Cécile et les représentations au Théâtre Royal Covent Garden obtinrent immédiatement un succès continu pendant une vingtaine d’années. En 1739, à la faveur d’un changement de théâtre entre King’s Theatre Haymarket pour Lincoln’s Inn Fields, Hændel composa en neuf jours une nouvelle ode en un acte destinée à compléter Alexander’s Feast.
L’ouverture reprend le Concerto Grosso op 6 N° 5 et, fidèle à son habitude de réutiliser des mouvements ou mélodies d’œuvres antérieures, Haendel puise largement dans les Componimenti Musicali contemporains de Muffat. Les arias centrales valorisent les qualités de la trompette, de la flûte, du violon et de l’orgue, tandis que les sections initiales et finales établissent un équilibre adroit entre références chrétiennes et classiques. L’ode commence par la création du monde où le chaos universel obéit au pouvoir de la musique et se fait harmonie. Elle s’achève sur les accents de la trompette faisant taire l’harmonie céleste au jour du jugement dernier.
Dans la Genèse, Jubal est décrit comme l’ancêtre de tous les joueurs de lyre et de chalumeau et l’effet de son jeu sur les cordes, représenté par un solo de violoncelle, n’a d’égal que le pouvoir d’Orphée pour charmer par la musique, animaux et plantes. Si les vers de Dryden demeurent quelque peu conventionnels, l’ouvrage prend son plein sens avec le superbe récitatif accompagné de soprano But Bright Cecilia rais’d the wonder high’r (Mais sainte Cécile a accompli un plus grand miracle : Lorsqu’elle donna à l’orgue haleine et voix, Un ange l’entendit et apparut aussitôt, Prenant la terre pour le ciel).
John Butt, dont on connaît la qualité du travail dans le répertoire baroque, oriente son interprétation essentiellement sur la pulsation et la vigueur rythmique. Cela permet de goûter d’autant mieux les interventions solistes comme le violoncelle très expressif de Jonathan Manson ou la suave flûte de Katy Bircher. On apprécie vivement la grâce radieuse du soprano de Carolyn Sampson, tandis que Ian Bostridge présente un timbre enrichi d’harmoniques avec un grave renforcé. Quant au chœur de la radio polonaise, il tient vaillamment sa place. Cette nouvelle version atteint ainsi aisément le trio de tête aux côtés de Trevor Pinnock et Marc Minkowski.