Le Banquet Céleste & Damien Guillon - Stradella: San Giovanni - Opera
Écho attendu du superbe spectacle monté par Vincent Tavernier et Damien Guillon, en novembre 2018, à la Chapelle Notre-Dame- de-l’Immaculée-Conception de Nantes (voir O. M. n° 146 p. 46 de janvier 2019), cette nouvelle ver- sion de l’oratorio phare d’Alessandro Stradella (1643-1682), gravée en studio, en mai 2019, s’impose sans peine par son éloquence, tour à tour limpide et pénétrante.
Créée à Rome, en 1675, dans l’église San Giovanni dei Fiorentini, l’œuvre associe, comme nulle autre à cette époque, dramatisme et sensualité, lyrisme et expressivité. À ce titre, le langage musical de Stradella s’inscrit dans la conti- nuité de ceux des grands Giacomo Carissimi et Francesco Cavalli, dont il sait, toutefois, décanter et inten- sifier les formes intrinsèques.
La lecture de Damien Guillon cap- tive, d’entrée de jeu, par son acuité et sa plasticité. L’impact drama- tique inhérent à certains axes de la partition est ici concentré à un ni- veau remarquable, ce qui n’em- pêche pas la musique de briller quand elle le doit : les deux Sinfonie sont, dans leur genre, irrésistibles de fluidité et d’élan.
Il faut dire que Le Banquet Céleste ne semble jamais avoir mieux porté son nom, tant les musiciens de l’ensemble embrassent cette musique avec un plaisir manifeste. Les textures instrumentales sont, à la fois, légères et pleines, rondes et aiguisées.
La distribution accomplit, égale- ment, un véritable sans-faute. À commencer par Paul-Antoine Bénos-Djian, dont le timbre de contre-ténor, très émouvant, trans- porte l’auditeur jusqu’au sublime. La soprano Alicia Amo se révèle une interprète prodigieusement maîtresse de ses pointes, qu’elles soient virtuoses ou langoureuses. De sa belle voix de basse, Olivier Déjean campe un Erode touchant, oscillant sans cesse entre pres- tance et fragilité. Les personnages secondaires font bien plus que jouer les utilités, ils apportent le meilleur de leur présence vocale. Ainsi, il faut saluer le ténor plein de mordant d’Artavazd Sargsyan et le mezzo voluptueux de Gaia Petrone. Nul doute qu’au sein de la disco- graphie encore frêle de San Giovanni Battista – Helmut Müller- Brühl (1980, Ex-Libris/Schwann), Michael Schneider (1989, Deutsche Harmonia Mundi), Marc Minkowski (1992, Erato), Alessandro De Marchi (2007, Hyperion) –, cette version habitée trouvera sans peine la place qui lui revient de droit, celle d’une inter- prétation de référence.