Various - Pierre Henry: La Dixième Symphonie, Hommage à Beethoven - ResMusica
Cet hommage à Beethoven haut en couleur et virtuose, directement issu de la transcription d’une œuvre électroacoustique de Pierre Henry, repose sur une interprétation purement orchestrale inédite.
Ce disque présente la dernière version créée et enregistrée à titre posthume d’une Dixième symphonie qui a hanté le compositeur, disparu en 2017, pendant près de quarante ans : un travail « essentiellement combinatoire » réalisé à partir d’emprunts aux neuf symphonies historiques du maître viennois. En cette année de 250e anniversaire de Beethoven, il résonne donc comme une double célébration.
Pierre Henry avait déjà créé trois versions de sa Dixième Symphonie (1979, 1988 et 1998), dont les deux dernières furent portées au disque. Chacune d’entre elles, structurée différemment, apportait son lot de surprises et de nouveautés. La dernière, mémorable, dans une couleur Remix qui donnait la part belle à des rythmiques franchement techno, célébrait la fin de la décennie 90 avec un compositeur alors admiré par les jeunes générations de ravers, revenu en grâce et se présentant en grand-père des musiques électroniques. Sa forte personnalité artistique l’a toujours rendu immédiatement reconnaissable dans chacun de ses projets. C’est encore le cas dans ce disque, pourtant purement orchestral et uniquement fondé sur des extraits de symphonies de Beethoven recombinés, dont certains célébrissimes. Tout est réalisé ici à partir de partitions écrites et non de bandes magnétiques, et pourtant tout est là. On pourrait qualifier cette expérience de « sampling orchestral », qui transporte au jeu instrumental, sans aucun traitement électroacoustique, les mixes, les collages et les cuts caractéristiques qui fondèrent l’essence du travail de Pierre Henry depuis les prémisses de la musique concrète, qu’il a contribué à faire naître au côté de Pierre Schaeffer.
Les huit mouvements sont tirés des douze qui constituent la version originelle de 1979, patiemment retranscrits sur partition et répartis entre l’Orchestre philharmonique de Radio France et l’Orchestre du Conservatoire divisés en trois groupes, qui reproduisent les décalages, les multiplications, les surimpressions et les coupes abruptes que Pierre Henry avait réalisés sur bandes. La virtuosité des orchestres et des chefs, Marzena Diakun, Bruno Mantovani et Pascal Rophé, survolant ces fusions et confrontations extrêmes avec dextérité, amène un souffle et une dynamique remarquables à l’œuvre. L’auditeur expérimente d’un bout à l’autre tout le paradoxe du sample, entre un sentiment franc de déjà entendu et la découverte de structures et de sensations nouvelles et originales, qui font réentendre sous un jour nouveau les phrases beethovéniennes, que ce soit dans l’élégance lyrique du « Scherzo » (2) ; dans l’« Andante » (4) et son amplification et étirement gigantesques du suspense qui ouvre la Symphonie n° 9 ; dans la série de thèmes devenus aujourd’hui des lieux communs (Ode à la joie, motif de la Symphonie n° 5), complètement réagencés et sublimés tout au long de « Comme une fantaisie » (7) ; jusqu’à l’extrait du texte de Schiller chanté par le ténor Benoît Rameau auquel répondent le Chœur de Radio France et le Jeune Chœur de Paris dans un « Finale » jouissif (8), qui achève le cycle sur une longue citation du mouvement lent de la Symphonie n° 7.
Henry n’hésitait pas à comparer son art, sa personnalité et ses inspirations à celles de Beethoven. Il donne en tout cas ici une belle lecture personnelle et originale d’œuvres qui ont profondément marqué l’histoire.