Robin Ticciati & SRSO - Berlioz: Romeo et Juliette - Crescendo
Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 9
Le chef d'orchestre Robin Ticciati nous avait déjà séduit lors d'une précédente parution consacrée aux Nuits d'été de Berlioz. Il revient en force ici avec une lecture claire et intelligente de la redoutable troisième symphonie : Roméo et Juliette. Après la Symphonie fantastique (1830), Harold en Italie (1834) et lavé de toutes ses dettes par Paganini, Berlioz se met au travail d'une symphonie en trois grandes parties sur la tragédie de William Shakespeare parue en 1597, qu'il créera au Conservatoire de Paris le 24 novembre 1839. Fervent admirateur de l'œuvre de Shakespeare découvert douze plus tôt à l'Odéon grâce à une troupe anglaise en tournée, Berlioz offre ici l'une des pages les plus inspirées du répertoire romantique français. Un an après l'échec de Benvenuto Cellini, la création de cette symphonie remporte un certain succès, du moins pour une partie de l'œuvre. Wagner s'autorisera un commentaire mitigé : « L'audition de Roméo et Juliette me remplit l'âme d'une grande tristesse. A côté des trouvailles les plus géniales, on trouve dans cet ouvrage tant de manque de goût et un usage si défectueux des procédés de l'art, que je ne puis m'empêcher de regretter qu'avant l'exécution Berlioz n'ai pas présenté cette composition à Cherubini... ». Le défi de Ticciati est dès lors de proposer une construction transparente et une mise en avant des nouveaux procédés mis en place par Berlioz, et ce malgré l'étendue de cette œuvre-fleuve. A la tête des excellents Swedish Radio Symphony Orchestra et Swedish Radio Choir, le chef peut se permettre à nouveau de saisir toutes les opportunités que lui offre le matériau orchestral redoutable, le tout pour une mise en avant de la puissance dramatique du discours. De fait, il parvient, grâce à une baguette souple et expressive, à construire des climats si justes que l'oreille vit la tragédie de l'intérieur. Pour chaque épisode, le soin porté aux et dans les pupitres de l'orchestre ainsi que le choix des dynamiques et des couleurs permettent à Ticciati de développer un travail sonore et d'architecture conséquent. Le chœur présente lui aussi de belles caractéristiques : texte intelligible, intonation qui ne fait jamais défaut, homogénéité, couleurs... La voix de Katija Dragojevic se marie avec douceur à la pâte de Ticciati et offre un timbre clair, en soi idéal pour ce répertoire, tout comme Andrew Staples dont la légèreté de l'émission vocale offre contrastes et couleurs. Alastair Miles, à la voix puissante et dramatiquement juste, prend possession du registre avec aisance et détermination.
Assurément, la vision de Robin Ticciati profite d'une grande maturité et d'une volonté permanente de construire un discours expressif sans rentrer dans la facilité ou la virtuosité. Une baguette tantôt énergique, tantôt apaisée au service d'une des pages les plus complexes du répertoire.