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Cappella Mediterranea - Sigismondo d’India: Lamenti & sospiri - Opéra Magazine

Quasi contemporaine et tout aussi enivrante que celle de Monteverdi, l’œuvre vocale de Sigismondo d’India (v. 1582-1629) ne jouit pas, curieusement, d’une aussi grande notoriété auprès des mélomanes amateurs du baroque naissant.

Le fait est d’autant plus singulier que le compositeur a su opérer une éminente synthèse stylistique sur les formes en vigueur à l’époque (madrigal, monodie, polyphonie). À ce propos, il n’est pas inutile de rappeler que ses diverses expérimentations ont permis d’ancrer, de manière significative, la puissance expressive du chant et l’impact du texte.

Ses cinq livres de madrigaux, à une et deux voix, publiés entre 1609 et 1623, regorgent d’innovations, tant sur le plan instrumental que vocal. Le choix des combinaisons d’instruments pour l’accompagnement se montre novateur, l’ornementation de la ligne de chant s’autorise plus de liberté, le traitement des dissonances ouvre de nouvelles perspectives harmoniques. Véritables trésors d’inventivité, de subtilité et d’expressivité, les pièces défendues par Mariana Flores et Julie Roset, accompagnées par Leonardo Garcia Alarcon, font ainsi de ce florilège, enregistré en studio, en septembre 2020, un pur moment de grâce. Outre le fait que la dimension pion- nière de l’écriture de Sigismondo d’India est ici admirablement mise en relief, l’affinité des interprètes avec cette musique apparaît comme une évidence. Sans le moindre temps mort, l’alternance des arie, lamenti et duetti enveloppe l’auditeur d’une émotion intense et renouvelée. Les deux voix féminines subjuguent par leur beauté irradiante, leur éloquence et leur sensibilité. Dès les premiers accents déroulés sur Ardo, lassa, o non ardo ?, on ne peut être qu’étreint par l’alliance presque surnaturelle des timbres. Si la magie opère sur chacun des duetti, on reste particulièrement stupéfait par tant de suavité sur Chi nutrisce tua speme et de caractère sur Sù sù prendi la cetra.

Seule à tour de rôle, chaque soprano – l’Argentine Mariana Flores ou la Française Julie Roset – porte avec autant d’aisance arie et lamenti (sublime Or che’l ciel e la terra, saisissant Mentre che’l cor). Il faut dire que le programme égrène de véritables perles, dont la plus troublante reste l’imposante et bouleversante Lamentatione d’Olympia. Suspendu aux moindres inflexions des deux sopranos, Leonardo Garcia Alarcon insuffle, grâce aux solistes ductiles de l’orchestre Cappella Mediterranea, une respiration d’un naturel simplement confondant. Un disque d’une rare beauté, dont on aimerait qu’il soit le début d’une intégrale.

Opéra Magazine
01 July 2021