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Fitzwilliam String Quartet - Shostakovich: Last Three String Quartets - Res Musica

1972 : le tout jeune Fitzwilliam Quartet assure, en présence du compositeur, la première audition du Quatuor à cordes n° 13 (1970) de Chostakovitch en Europe de l’Ouest, avant de graver l’intégrale du corpus. Cinquante ans plus tard, la phalange britannique aux trois quarts renouvelée revient sur les trois derniers opus du maître, dans ce nouvel album anniversaire.

Au même titre que ceux de Beethoven, les dernières quatuors de Chostakovitch constituent un corpus à part où le compositeur russe, en proie à la maladie, s’aventure dans des contrées encore inexplorées, balançant entre désespoir et vigueur retrouvée.

En témoigne le Quatuor n° 13 que Chostakovitch conçoit d’un seul tenant, telle une grande arche jouant entre l’ombre et la lumière. Il est dédié à l’altiste Vadim Borisovsky du Quatuor Beethoven avec lequel le compositeur avait engagé une collaboration des plus fidèles. On est d’emblée séduit par l’élégance des lignes et la beauté du son des Fitzwilliam, conférant à ce cheminement introspectif intensité et émotion tout en faisant valoir les audaces d’une écriture sans concession, parcourue d’instances bruitées des plus énigmatiques.

De nouvelles forces vitales semblent être rassemblées dans le Quatuor n° 14, avec cette entrée fuguée du premier mouvement et ces glissandos ascendants qui relèvent tout autant de l’ironie chostakovienne, sous les archets précis et le trait incisif des Fitzwilliam. L’œuvre est dédiée cette fois au violoncelliste du Quatuor Beethoven, Sergei Chirinsky (qui décède quelques semaines plus tard), mettant en valeur l’instrument – magnifique Sally Pendlebury – dans toute l’étendue de son registre. Au sein d’une écriture qui favorise les ruptures de ton, les musiciens soignent l’éloquence des thèmes et creusent la ligne expressive sans jamais forcer le trait. Les pizzicatos chostakoviens prennent un poids singulier sous le geste des interprètes jouant avec l’énergie du son.

Il n’y a pas de dédicace pour l’ultime Quatuor n° 15 (1974), sorte de pseudo-testament d’un compositeur qui va mourir l’année suivante. Avec ses six mouvements lents (Adagio), ce quinzième quatuor s’émancipe du modèle du genre et instaure une nouvelle conception du temps et de l’espace à laquelle s’attachent nos quatre interprètes : par un dosage subtil des équilibres, un son souvent filtré et une transparence des textures toujours à fleur d’émotion. Dans le Nocturne du quatrième mouvement, la couleur de l’alto – Alan George, membre fondateur de la phalange – bouleverse ; tout comme les accents tranchants de la Marche funèbre et l’intensité pénétrante des soli balayant un espace qui semble outrepasser les limites. L’Épilogue, avec ses allures vibratoires et ses « sons toupies », n’est pas moins saisissant, auquel les Fitzwilliam confèrent une dimension hallucinatoire.

Res Musica
23 March 2020