Robin Ticciati & SRSO - Berlioz: Romeo et Juliette - L'Avant Scène Opéra
Après le semiratage de Valery Gergiev (lire ici), ce Roméo et Juliette dirigé par l'Anglais Robin Ticciati, un de ces chefs trentenaires qui montent, aussi à l'aise sur l'estrade que dans la fosse, fait du bien. Dès le début s'impose une direction pleine d'élan et de clarté, à l'opposé d'une certaine esthétique souvent associée au romantisme berliozien : cette baguette très sûre ne privilégie pas la flamboyance du son ou l'exaltation du sentiment mais la polyphonie, l'horizontalité des lignes, la transparence de la matière. Sans toutefois émousser la tension, que le chef de théâtre maintient de bout en bout là où le propos de Gergiev était assez décousu : on entend bien une « symphonie dramatique », un opéra sans paroles. La Scène d'amour, ainsi, se déploie comme un duo d'opéra instrumental, aussi intimiste que passionné le grand orchestre berliozien sonne comme un orchestre de chambre, Ticciati répugnant aux effets de masse et refusant, tel Gardiner, de lorgner vers un romantisme plus tardif. La Reine Mab passe ensuite furtivement, insaisissable, avec la légèreté d'un elfe mendelssohnien. C'est sans doute une des lectures les plus « modernes » de la partition, regardée au fond des notes, très scrupuleusement certains la trouveront seulement peutêtre plus apollinienne que shakespearienne. Problématique par ses grands déploiements sonores et choraux, le finale est impeccablement tenu sans que sa pompe vire au pompiérisme. Côté solistes, Katija Dragojevic trouve pour les Stances des accents vibrants, beau mezzo qui respecte la prosodie française. Alastair Miles s'avère plus discutable : la qualité de l'articulation n'exclut pas un exotisme de l'accent, avec des nasalisations très british, la maîtrise du phrasé ne peut faire oublier la fatigue charbonneuse de la voix. L'excellence du choeur suédois, en revanche, n'est plus à démontrer. Sans nous faire oublier les anciennes références, Ticciati a quelque chose à nous dire.