Francesco Piemontesi, SCO & Andrew Manze - Mozart: Piano Concertos 19 & 27 - Crescendo
Son : 10 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9
Après l’enregistrement des Concertos n°25 et 26 qui remontait à 2017, la même équipe nous propose maintenant le suivant et dernier, ainsi que le 19e. Il n’est que d’entendre les premières secondes, sa marche intrépide, pour comprendre que le Scottish Chamber Orchestra va tisser un cocon aussi savoureux que ravissant. C’est peut-être lui, davantage que le soliste, qui affine la caractérisation. Effectifs allégés, textures tantôt nacrées tantôt croustillantes. Dommage que l’Allegretto soit parcouru un peu sèchement, on y souhaiterait un matériau moins glabre, une respiration moins mécaniste ; la subtilité règne là encore, mais semble se décanter in vitro. Face à un accompagnement si délicat et mercurien, on s’attendrait presque à un pianoforte d’époque, mais l’instrument puissant que nous entendons ici tiendrait la répartie à une phalange symphonique. Heureusement, Francesco Piemontesi le travaille dans le sens de la couleur et de la transparence, et ses phrasés vifs ne déparent pas trop la balance. Cette vivacité s’assume, sauf dans le solo de l’Allegroinitial, aux mesures 278-285 (7’28-7’43) dont l’ornementation des trilles et mordants génère une passagère arythmie. En tout cas, l’alacrité des mouvements extérieurs convainc par la sveltesse et le brio.
Idem pour le jovial K. 386 qu’on nous joue avec vigueur et santé. Dommage que la notice du CD ne dise mot de ce Rondo, dont la partition démembrée fut peu à peu reconstruite, notamment par Alfred Einstein, Paul Badura-Skoda et Charles Mackerras, avant qu’Alan Tyson ne retrouve en 1980 à la British Library les feuillets manquants.
Le K. 595 n’achève pas la série des vingt-sept sur un coup d’éclat, mais Mozart (qui ignorait que ce serait son dernier quand il le joua en mars 1791 à Vienne) y renouvelle son langage, plus élégant et raffiné que jamais, dès la mousseuse introduction. Le Concerto de la maturité, voire de la sagesse. Effectivement, on y entend le pianiste suisse particulièrement attentif. Et parfois en état de grâce (6’27 dans l’Allegro). Même si son clavier ne renie ni le galbe ni le brillant, les échanges s’équilibrent avec la parure délicatement chamoisée par l’orchestre, ainsi dans le délicieux passage en pizzicato (4’08-4’20). La transparence de l’interprétation cisèle le minimaliste Larghetto avec toute la finesse requise. Dans le Final, Francesco Piemontesi laisse admirer son entrain et sa palette timbrée, sans brusquer l’affaire. Et l’orchestre écossais aère, relance, pétille avec toute la netteté et l’esprit que lui inculque Andrew Manze. Dans l’ensemble, cet ultime opus nous conquiert plus encore que le 19e, et montre que le pianiste a su adapter son approche pour en cerner le charme secret. La discographie, régulièrement abondée depuis quelques décennies, est tellement riche qu’elle se laisse difficilement bouleverser. Ce qui n’empêchera pas de saluer cette livraison, pour son soliste enthousiaste et séduisant, mais aussi voire surtout pour un orchestre aux petits oignons qui ne se limite pas au faire-valoir. Dans ces opus, cela faisait longtemps qu’on ne s’était régalé d’un accompagnement aussi distingué.