Patricia Kopatchinskaja & Camerata Bern - Plaisirs illuminés - Classica

« Une musique issue des racines », titre la notice ; mais lesquelles ? À l’écoute de l’album, c’est bien dans le folklore de la Mitteleuropa qu’on les situera, y compris pour les deux compositeurs hispaniques au programme. Le Ginastera bartokien du Concerto per corde n’est plus celui, pittoresque, du ballet Estancia. Son Scherzo fantastico flirte avec la technique dodécaphonique, et le saisissant climax de l’Adagio angoscioso le dispute en âpreté aux quarts de ton qui ouvrent les Variazioni liminaires. Le défi se mesure moins en termes d’intonation que de polyrythmie dans la Musica concertante per 12 archi de Sándor Veress (1907-1992), dont la complexité préfigure Ligeti. C’est sous la bannière de ce dernier qu’on placera le Double Concerto pour violon, violoncelle et orchestre de chambre « Les Plaisirs illuminés », titre d’une toile de Dalí, de l’Espagnol Francisco Coll, une commande de la Camerata Bern. L’œuvre ne manque ni de fantaisie ni d’humour (surréaliste), avec une berceuse centrale des plus enjôleuses qui n’hésite pas à sacrifier au plaisir aujourd’hui si transgressif du beau. La cohésion dont fait preuve la Camerata est digne d’éloge, mais frappent en revanche les sonorités contrastées des deux solistes : violoncelle rond et voluptueux de Sol Gabetta, violon acide et virevoltant de Patricia Kopatchinskaja, dont les improvisations parlées et criées nous rappellent, au cas où on l’oublierait, le tempérament bien trempé.