Dunedin Consort - Monteverdi: Vespers 1610 - Crescendo
Est-ce le fait d'avoir été enregistré dans l'église de Greyfriars Kirk d'Edimbourg qui donne tant de lumière, de ferveur à cet enregistrement des Vêpres de Monterverdi (1610) complétées par quatre partitions du plus grand intérêt car de confondante beauté (Lauda Jerusalem ; Sonata sopra Sancta Maria ; Ave Maris Stella ; enfin l'émouvant Magnificat) ? Dès les premières mesures, on est saisi par la lisibilité, la douceur intérieure (sans rien d'idolâtre ou de mièvre) d'une version qui apporte un éclairage à la fois personnel et vivifiant à celles de Schneidt, Gardiner (plus opératique) ou Jordi Savall. Ici, rien de facilement triomphal : la jubilation, pour être glorieuse n'en reste pas moins intérieure, et (surtout) discrète. Ainsi des superbes arabesques qui serpentent dans le Dixit Dominus où les voix dansantes disent la joie de l'humanité toute entière. Ainsi de la fraternelle émotion du troisième volet, appelé « concerto » tels les index 5, 7, 9, tant à cette époque le mot reste mal défini (qui vient de « concertare »...). Avec le Laudate Monteverdi rayonne d'enthousiasme, de vocalises aussi souples qu'expressives, finissant avec un Amen décroissant surmultiplié en écho jusqu'à l'admirable dissonance finale et sa résolution. Si le psaume Laetatus sum à cinq voix accompagnées de théorbe offre d'exquis frissons mélodiques, l'émouvant Duo Seraphim distribué à « trois » voix de ténors, célèbre magnifiquement la trinité divine où l'agilité le dispute à la plénitude. Le septuor Nisi Dominus ouvre large les portes d'un flux musical aux jeux dynamiques vivifiants - rebonds dansés, voix dédoublées dont les ailes semblent planer et se jouer du vent, puis se rejoignent dans la perfection d'un même courant porteur. Alors, s'envole le finale Audi coelum avec ses échos « en miroir » qui transportent dans un monde innommé, mystérieux et caressant où le chant humain se confond avec celui des anges. Œuvre fascinante d'un auteur de 43 ans qui domine toutes les difficultés de la musique religieuse après des partitions aussi nouvelles que réussies qui s'appellent Orphée (1608) ou Ariane (1608). En complément, quatre autres œuvres de sublime facture, elles aussi : Le Lauda Jerusalem qui éclate de gloire et de foi dès les premières mesures, avec ses répercussions d'échos de montagne en montagne ; la splendide Sonata sopra Stabat Mater pour deux sopranos accompagnées instrumentalement ; l'émouvant Ave Maris Stella aux voix alternées en une simplicité évidente ; enfin le magistral Magnificat qui clame une ferveur, une joie triomphante, là encore en échos saisissants. Les choix d'effectifs (un par voix ), de diapason, de version (« vêpres idéales ») comme l'homogénéité et la précision de l'image sonore, le remarquable discernement dans la distribution des timbres (à la réserve près de légères stridences dans la voix élevée), l'appareillement des sonorités (système d'orgue virtuel Hauptwerk) témoignent de l'excellence du traitement du son autant que de l'intelligence des choix du chef John Butt. Excellence à laquelle contribue le Dunnedin Consort sous une direction empreinte de réserve, d'intériorité et d'émotion musicale.