Ingrid Fliter - Chopin: Nocturnes - Artamag
Les Valses, les Préludes, la Troisième Sonate, les Concertos, Ingrid Fliter persiste chez Chopin, mettant ses Nocturnes à l’abri du pathos que ne permettraient pas de toute façon ses tempos rapides, ses articulations nettes, son sens dramatique de la phrase musicale. A-t-on jamais animé autant cette musique qu’on réduit si souvent à des clairs de lune ? Sa sonorité si formée, sa main gauche affirmée, l’ampleur de sa palette sonore, le sentiment dramatique jamais surligné mais bien présent animent un tableau émotionnel plus varié qu’en bien d’autres versions.
Le plus admirable dans ce piano si plein et pourtant si suggestif reste le galbe des phrasés, même lorsque la musique doit s’interrompre comme dans le Nocturne en si majeur (Op. 32 No. 1), comme ce legato des harmonies et des voix qui continue de chanter dans le silence même.
Admirable pianisme qui exprime d’autant plus qu’Ingrid Fliter ordonne les Nocturnes en une savante construction tonale. C’est dans un jardin à la française que résonne cette ballade, lune claire, ligne pure, geste pudique qui retient un clavier somptueux, forme les cantilènes, joue en maître avec les écrins polyphoniques, les contrechants, les arrières-plans dont Chopin a serti cette main droite que tant de pianistes font chanter quasi seule.
Autre chose, les rythmes ici de mazurka, là de valse, presque parfois de polonaise, par lesquels la pianiste argentine individualise chaque Nocturne, rappelant qu’ils ne forment pas un cycle et que Chopin les égrena au long de son œuvre.
Admirable version splendidement enregistrée au Potton Hall de Westleton par les micros de Philip Hobbs, une des plus accomplies parmi celles que nous a données le nouveau siècle, Ingrid Fliter y égale et Nelson Freire et Đặng Thái Sơn.