Patricia Kopatchinskaja & Camerata Bern - Plaisirs illuminés - Le Figaro
Patricia Kopatchinskaja, Sol Gabetta, Francisco Coll, Camerata Bern: Plaisirs illuminés (Alpha). Après un album Vivaldi radical, où la «violoniste aux pieds nus» confrontait les concerti du Prêtre roux avec des pièces de compositeurs italiens d'aujourd'hui (de Francesconi à Stroppa), Patricia Kopatchinskaja fait à nouveau le grand écart...Et revient à l'une de ses grandes passions: le répertoire contemporain. Tout comme la complicité exemplaire qui semblait s'être nouée avec l'ensemble baroque Il Giardino Armonico pour ce qui était leur première collaboration au disque, fut l'une des clefs de la réussite de Vivaldi, what's next?, celle qui l'unit avec la Camerata de Berne (où l'artiste a posé ses bagages) est le point d'ancrage du présent album.
Son titre, emprunté à un double concerto pour violon et violoncelle du jeune compositeur espagnol Francisco Coll (qui s'inspire lui-même de Dali), résume parfaitement l'esprit de ce projet, bâti autour du concept de virtuosité. Mais une virtuosité partagée dans tous les rangs de l'orchestre, avec un plaisir manifeste et communicatif. L'entente parfaite qui réunit Kopatchinskaja et la violoncelliste Sol Gabetta, notamment dans l'Allegria halluciné du troisième mouvement, en est la plus belle illustration. Comme si l'une et l'autre, poussées dans les ultimes retranchements de leurs instruments, se portaient mutuellement, se partageant dans les premières mesures un chant à deux voix d'une jouissive exubérance, aux accents folkloriques espagnols. Car si la virtuosité est au cœur de ce programme, ce dernier s'inspire aussi de l'ancrage populaire d'une musique savante qui n'hésite pas à s'inscrire, en ce sens, dans la filiation de Bartok. En témoigne la présence de son Duo Pizzicato, comme de la Balada si joc de Ligeti, qui introduisent l'œuvre de Coll. Mais aussi les deux autres concertos convoqués par Patricia Kopatchinskaja sur l'album: le concerto pour cordes opus 33 de Ginastera, formidable révélateur du sens des équilibres de la Camerata Bern comme des qualités solistiques de chacun de ses musiciens, ainsi que la Musica concertante pour douze instruments à cordes du compositeur suisse d'ascendance hongroise Sandor Veress (disciple de Kodaly). Une partition composée sur mesure pour la Camerata, tout comme le concerto de Coll.