Filters

SCO & François Leleux - Bizet & Gounod - Res Musica

Hautboïste international François Leleux dirige du hautbois le Scottish Chamber Orchestra, dans des œuvres symphoniques rarement jouées de Georges Bizet et de Charles Gounod : du plaisir à l’état pur, en même temps qu’un juste hommage rendu à l’école des vents français.

Georges Bizet_Charles Gounod_François Leleux_LinnRendus célèbres par leurs opéras respectifs, Bizet et Gounod n’en composèrent pas moins quelques œuvres orchestrales au charme indiscutable qui méritent assurément de sortir d’un injuste oubli. Œuvres de jeunesse ou de commande dont François Leleux et le SCO exaltent toute la fraîcheur d’inspiration, la légèreté mélodique et la vigueur rythmique.

La Suite de Carmen n° 1 de Bizet reprend les pièces d’orchestre qui précèdent chaque acte de l’opéra éponyme dans un arrangement d’Ernest Guiraud, grand ami du compositeur. Elle est menée ici avec beaucoup d’ « allegria » par François Leleux et ses troupes écossaises ; les vents, cordes et percussions étincellent de couleurs dans une interprétation qui séduit par ses nuances, ses contrastes marqués et son agogique envoûtante. L’Intermezzo fait la part belle à la petite harmonie dans un dialogue très poétique avec la harpe, avant que la Séguedille, Les dragons d’Alcala et Les toréadors ne nous entraînent dans une feria sonore où dominent vents et percussions.

La Symphonie n° 1 de Bizet (1855) est une œuvre de jeunesse, composée à l’âge de 17 ans, sous influences musicales multiples dont celle de Charles Gounod. Redécouverte à l’occasion d’un legs de Reynaldo Hahn à la BnF, elle fut créée à Bâle en 1935 par Felix Weingartner. Il serait, bien sûr, facile d’y rechercher tel ou tel trait rappelant Mendelssohn, Schubert, Beethoven ou Rossini, autant qu’il serait vain d’en attendre plus que ce qu’elle peut donner. Il suffit simplement de l’écouter dans cette lecture parfaitement convaincante de François Leleux pour tomber sous le charme de ses parfums, comme de l’énergie de ses rythmes. L’Allegro vivo initial déroule ses couleurs sur un phrasé tout en relief et une dynamique pleine d’allant où l’on peut déjà noter la maturité surprenante de l’orchestration. Malgré quelques effets sonores assez attendus dans les transitions, l’Adagio développe une belle cantilène élégiaque du hautbois dont le charme se voit rehausser encore par le lyrisme des cordes. Le Scherzo joyeux, rustique et pastoral donne voix aux bois dans une mélodie aux allures champêtres, avant que l’Allegro vivace final, léger et virevoltant, mené sur un train d’enfer, ne nous entraîne dans un véritable tourbillon (cordes et timbales) où la cohésion du SCO n’est jamais prise en défaut.

La Petite Symphonie de Charles Gounod pour 9 instruments à vents (1885), nonnette dédié au grand flûtiste Paul Taffanel, chef de file de l’école française des vents, sera pour beaucoup une belle découverte, qui fait à elle seule toute la valeur de cet enregistrement. François Leleux y règne en maître par l’acuité de sa direction comme par sa qualité d’instrumentiste dans une interprétation qui séduira tous les amateurs d’instruments à vents. Netteté du discours et des articulations, mélange et richesse des timbres, clarté de la polyphonie et des plans sonores, précision rythmique et couleurs profuses… Tout ici est au service d’un hédonisme jubilatoire !

Res Musica
15 June 2020